Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/222

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’œil gris de Mme Pipchin scruta cette petite figure pensive.

« Si je deviens grand, » dit Paul.

Puis il se mit aussitôt à parler à Mme Pipchin de la soirée ; il lui dit que Florence était invitée, qu’il serait bien fier de l’admiration qu’elle causerait à tous les élèves, que tous étaient très-bons pour lui et l’aimaient beaucoup, et que lui les aimait beaucoup aussi, et qu’il en était bien content. Il parla ensuite à Mme Pipchin de son analyse et lui dit que certainement il fallait bien qu’il fût rococo comme on disait, mais qu’il la priait de lui expliquer pourquoi et ce que cela voulait dire. Mme Pipchin, pour sortir de ce pas difficile, lui assura qu’il n’était pas du tout rococo, mais Paul ne fut point satisfait de cette réponse, et pour en obtenir une autre plus sincère, il regarda Mme Pipchin d’un œil si pénétrant, que la vieille dame fut obligée de se lever et d’aller regarder par la croisée pour éviter ses regards.

Il y avait un grave apothicaire qui donnait ses soins dans l’établissement, quand un des élèves était malade ; il était là dans la chambre et près du lit avec Mme Blimber. Comment étaient-ils venus là et depuis combien de temps y étaient-ils ? Paul n’en savait rien, mais quand il les vit, il se mit sur son séant et répondit tout du long aux questions de l’apothicaire, et le pria même tout bas de ne rien dire à Florence, parce qu’il tenait beaucoup à ce qu’elle vint à la soirée. Il bavarda beaucoup avec l’apothicaire et ils se quittèrent fort bons amis. Quand il eut refermé les yeux et qu’il fut retombé sur son oreiller, il entendit l’apothicaire qui disait en dehors de la chambre et bien loin de lui, peut-être le rêva-t-il, qu’il y avait manque de puissance vitale (qu’est-ce que c’est que cela ? se demanda Paul) et grande faiblesse de constitution.

« Puisque, ajouta l’apothicaire, le petit bonhomme s’est fait une fête de se joindre à ses compagnons pour la soirée du 17, il faudra contenter son envie, s’il ne va pas plus mal. Je suis bien aise d’apprendre de Mme Pipchin qu’il va retourner dans sa famille le 18. J’écrirai d’ailleurs à M. Dombey avant ce jour-là, quand je connaîtrai mieux la maladie. Il n’y a aucune raison immédiate pour… » Pourquoi ? (Paul n’entendit pas ce mot-là.) « L’enfant est très-intelligent, dit encore l’apothicaire, mais il est bien rococo. »

Qu’était-ce donc que ce rococo, se demandait Paul le cœur