Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surprise que la porte n’était plus à sa place, et il lui sembla que M. Toots marchait droit à la cheminée.

C’était bien aimable de la part de M. Toots de le porter avec tant de bonté jusqu’au haut de la maison, et Paul ne manqua pas de le lui dire. Mais M. Toots répondit qu’il voudrait faire bien davantage pour lui si cela lui était possible, et il montra qu’il pouvait davantage, car il aida Paul à se déshabiller, il l’aida à se coucher, tout cela avec la plus grande sollicitude, puis il s’assit auprès du lit et se mit à rire de son plus gros rire. Pendant ce temps-là, M. Feeder, bachelier ès lettres, appuyé sur le bois du lit, aux pieds du petit Paul, passait ses mains osseuses dans ses petits poils ras de manière à les faire tenir sur sa tête droits comme un i, puis il fit semblant de se battre avec Paul dans les règles tant il était bien aise de le voir beaucoup mieux ; mais ces démonstrations de tendresse avaient quelque chose de si étrange que Paul, incapable de se rendre compte s’il lui fallait rire ou pleurer, se mit à rire et à pleurer tout ensemble.

Comment il se fit que M. Toots disparut et que M. Feeder se trouva changé en Mme Pipchin, c’est ce que Paul ne pensa jamais à demander et ce qu’il ne fut pas curieux d’approfondir. Mais, quand il vit Mme Pipchin assise au pied du lit à la place de M. Feeder, il lui cria :

« Surtout, madame Pipchin, ne le dites pas à Florence !

— Qu’est-ce qu’il ne faut pas dire à Florence, mon petit Paul ? dit Mme Pipchin en venant près de lui et s’asseyant sur une chaise.

— Ce que j’ai… dit Paul.

— Non, non, répondit Mme Pipchin.

— Que pensez-vous que j’aie envie de faire, quand je serai grand, madame Pipchin ? » demanda Paul en tournant vers elle sur son oreiller sa petite figure et posant son menton sur ses mains croisées, d’un air tout pensif.

Mme Pipchin ne put le deviner.

« J’ai envie, dit Paul, de placer tout mon argent dans une même maison de banque, sans chercher à en gagner davantage, et puis de m’en aller à la campagne avec ma chère Florence ; j’aurai un beau jardin, des champs, des bois, et je passerai là avec elle toute ma vie !

— Vraiment ! dit Mme Pipchin.

— Oui, c’est ce que j’ai envie de faire, dit Paul, quand je… » il s’arrêta et réfléchit un moment.