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— Mais toutes les personnes qui sont ici me plaisent beaucoup, poursuivit Paul, et j’aurais bien du chagrin, si, en m’en allant, je pouvais penser que quelqu’un fût content de mon départ ou n’y fît pas attention. »

Mme Blimber fut, dès lors, tout à fait persuadée que Paul était l’enfant le plus singulier du monde, et, quand elle raconta au docteur ce qui s’était passé, le docteur ne contesta pas l’opinion de sa femme. Il se contenta de dire, comme il l’avait fait déjà, le jour de l’arrivée de Paul, que l’étude changerait tout cela et ajouta aussi, comme alors : « Poussez-le, Cornélia, poussez-le ferme. »

Cornélia l’avait toujours poussé aussi vigoureusement qu’elle l’avait pu, et Paul avait mené, sous sa direction, une vie dure. Mais, outre son désir de venir à bout de sa tâche, il avait en vue, avant tout, un autre dessein qu’il poursuivait avec ardeur. Il voulait être un petit camarade doux, serviable, paisible, et cherchait toujours à se concilier la tendresse et l’affection des autres. Aussi, quoique bien souvent encore, on le vit à son ancien poste sur les marches de l’escalier, ou regardant les vagues et les nuages à sa fenêtre solitaire, on le trouvait plus souvent aussi au milieu des autres élèves, leur rendant modestement de lui-même quelques petits services. Il arriva donc que, même parmi ces jeunes anachorètes si froids et si sérieux, qui faisaient pénitence sous le toit du docteur Blimber, Paul devint un objet d’intérêt général. C’était un petit jouet fragile que chacun aimait et que personne n’aurait voulu traiter durement. Mais il ne pouvait ni changer sa nature ni faire changer l’analyse, et il fut bien convenu que Dombey était un petit rococo.

Il y avait cependant quelques priviléges attachés à ce caractère unique en son genre, et dont il était seul à jouir dans la maison. On se serait passé plus facilement d’un enfant moins singulier, c’était déjà beaucoup. Quand les autres, en se retirant le soir, se contentaient de saluer le docteur Blimber et sa famille, Paul présentait hardiment son petit bout de main au docteur pour lui serrer la sienne ; il en faisait autant pour Mme Blimber et pour Cornélia. Si quelqu’un devait aller demander grâce pour une punition infligée, c’était toujours Paul qu’on envoyait en ambassade. Le jeune domestique myope, lui-même, s’était adressé à lui pour se faire pardonner sa maladresse, un jour qu’il avait brisé quelques verres et quelques porcelaines. Enfin, on disait tout bas que le sommelier avait