Page:Dickens - Dombey et fils, 1881, tome 1.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ces, et ces deux compagnons de chambre du petit Paul étaient un échantillon fidèle des jeunes messieurs de sa pension : les plus gais d’entre eux voyaient arriver ces jours de fête avec une résignation du meilleur goût.

Il en était bien autrement du petit Paul. La fin de ces premières vacances devait, il est vrai, le séparer de Florence mais qui jamais a pensé à la fin des vacances quand elles n’ont pas encore commencé ! Ce n’est pas Paul, assurément. À mesure que l’époque heureuse approchait, les lions et les tigres qui grimpaient après les murs de sa chambre devenaient doux et folâtres. Les vilaines figures grimaçantes des carrés et des rosaces du tapis s’adoucissaient et le regardaient d’un œil plus aimable. La grave et vieille horloge s’informait avec un intérêt plus bienveillant de l’état de sa santé, et si la mer turbulente s’agitait encore toute la nuit avec des accords mélancoliques, il trouvait après tout un certain charme à l’entendre soulever ou précipiter les vagues dont le bruit le berçait comme pour l’endormir.

M. Feeder, bachelier ès lettres, se permettait aussi de penser que les congés le rendraient fort heureux. M. Toots, lui, projetait une vie tout entière de vacances à partir de celles qui allaient venir, car c’était, comme il en informait Paul régulièrement chaque jour, son dernier semestre chez le docteur Blimber, et il allait commencer dès à présent à jouir de sa fortune.

Il était parfaitement entendu entre Paul et M. Toots qu’ils étaient amis intimes, malgré la différence d’âge et de position. À mesure que les vacances approchaient, M. Toots, quand il était avec Paul, soufflait plus fort et restait les yeux fixés sur lui plus souvent qu’auparavant. Paul comprenait que M. Toots voulait par là lui faire part du chagrin qu’il éprouvait à l’idée de leur séparation prochaine, et il lui savait un gré infini de son patronage affectueux et de la bonne opinion qu’il lui témoignait.

Le docteur Blimber, Mme Blimber et miss Blimber, aussi bien que tous les jeunes élèves en général, reconnaissaient même que Toots s’était en quelque sorte constitué le protecteur et le guide de Dombey. La chose devint si évidente même pour Mme Pipchin, que la bonne créature nourrit contre Toots des pensées de haine et de jalousie. Elle ne l’appelait dans son sanctuaire que le grand Nicodème. Le pauvre Toots, lui, n’avait pas plus idée d’éveiller la rage de Mme Pipchin qu’il n’a-