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Quand Walter cherchait plus tard à se rappeler ce qui s’était passé en lui, dans cette terrible confidence, il se souvenait seulement d’avoir tremblé des pieds à la tête, et d’avoir fondu en larmes en sentant un frisson glacial lui courir sur le corps.

Walter le vit un instant après penché sur son pupitre, silencieux comme auparavant, aussi abattu, aussi humble. En l’observant ainsi plongé tout entier dans son travail, il comprit que M. Carker avait résolu de ne plus s’entretenir avec lui ; il se mit alors à réfléchir et à repasser dans sa tête tout ce qu’il venait de voir et d’entendre en si peu de temps ; ce n’était pas seulement l’histoire des deux frères qui l’agitait, il se demandait s’il était bien vrai qu’il eût reçu l’ordre de partir dans les Indes ; s’il était vrai qu’il lui fallût bientôt dire un dernier adieu à son oncle Sol, au capitaine Cuttle, à ses rencontres rares et éloignées avec Florence Dombey (non, voulait-il dire, avec Paul Dombey) ; hélas ! à tout ce qu’il aimait, à tout ce qu’il chérissait, à tout ce qu’il espérait chaque jour, chaque heure de sa vie.

Mais il n’était que trop vrai : déjà la nouvelle s’en était répandue même dans le bureau d’entrée ; car, pendant que le cœur triste, il songeait à tout cela, la tête appuyée sur sa main, Perch, l’homme de peine, descendit de sa tablette d’acajou, et, le tirant légèrement par la manche :

« Je vous demande pardon, monsieur, lui dit-il tout bas à l’oreille, mais je vous serais bien obligé si vous pouviez, quand vous serez là-bas, me faire parvenir, à bon compte, un pot de confitures de gingembre pour Mme Perch, quand elle se relèvera de ses couches, qui ne tarderont pas. »



CHAPITRE XIV.

Paul devient de plus en plus vieillot et bizarre, et va passer chez lui les vacances.


Quand les vacances approchaient, les jeunes gens étiolés, réunis chez le docteur Blimber, ne témoignaient leur joie par aucune démonstration inconvenante. Filer en vacances était une