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Cette petite voix, si connue et si chère, ramena un semblant de sensibilité dans ce corps déjà inanimé. Les cils tremblèrent, les narines tressaillirent, une ombre de sourire effleura les lèvres.

« Maman ! cria l’enfant en poussant des sanglots ; oh ! maman, ma chère maman ! »

Le visage de la mère était tout entier caché par la chevelure de l’enfant. Le docteur écarta doucement quelques boucles de cheveux. Hélas ! comme ces boucles étaient immobiles ! Il restait si peu de souffle pour les agiter !

Ainsi, la mère étreignant cette frêle épave dans le dernier naufrage, se laissa aller à la dérive sur le sombre et mystérieux océan qui emporte tout dans ses abîmes.



CHAPITRE II.

Précautions prises à temps contre un accident qui jette parfois
le trouble dans les maisons les mieux ordonnées.


« C’est égal ! je me féliciterai toujours d’avoir tout pardonné à notre pauvre Fanny, quand cependant je songeais si peu au malheur qui nous attendait ; en vérité, c’était comme une inspiration ! quoi qu’il arrive, ce sera toujours une consolation pour moi ! »

Mme Chick fit cette touchante réflexion en entrant dans le salon. Elle venait de faire sa revue à l’étage supérieur, où les couturières travaillaient au deuil de la famille. Son observation s’adressait à M. Chick, gros homme chauve, à la figure large, les mains continuellement dans les poches, toujours sifflant, toujours fredonnant. Siffler et fredonner, c’était sa vie ; aussi avait-il grand’peine à se contenir en ce moment, quoiqu’il comprît toute l’inconvenance d’une telle conduite au milieu d’une famille en deuil.

« Ne vous fatiguez pas trop, Louisa, dit M. Chick, ou vous tomberez malade, certainement. Tra, déri, déra, tra der… Ah ! mon Dieu, je m’oublie ! Aujourd’hui on est là, demain on n’y est plus. »