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du lit, et dit d’une voix basse, mais accentuée comme pour réveiller une personne endormie :

« Fanny ! Fanny ! »

Pour toute réponse, on n’entendit que le tic-tac des montres de M. Dombey et du docteur Parker, qui semblaient dans le silence lutter de vitesse.

« Fanny ! mon amie, dit Mme Chick en se donnant un air gai, voici M. Dombey qui vient vous voir ; ne voulez-vous pas lui parler ? On voudrait coucher le petit, le cher petit ; Fanny, l’avez-vous vu seulement ? On ne peut le coucher, si vous ne vous réveillez pas. Allons, il est bientôt temps de vous réveiller, n’est-ce pas ? »

Elle se pencha sur le lit, comme pour écouter, regardant en même temps les témoins de cette scène, un doigt posé sur sa bouche.

« Vous dites ?… fit-elle encore. Je ne vous ai pas bien entendue, Fanny ? »

Mais rien, pas de réponse. Le tic-tac des deux montres allait, allait toujours plus vite.

« Voyons, Fanny, dit Mme Chick en changeant de ton ; car la situation devenait sérieuse, et son assurance l’abandonnait malgré elle. Fanny, je me fâcherai avec vous pour tout de bon, si vous ne vous réveillez pas. Il faut faire un effort, peut-être le trouvez-vous au-dessus de vos forces ; mais vous le savez, Fanny, en ce monde, il faut de l’énergie, et l’on ne doit pas se laisser abattre, quand d’aussi graves intérêts reposent sur nous. Allons, essayez. Je vous gronderai, si vous ne le faites pas ! »

Toujours même silence. La lutte des deux montres devenait terrible, furieuse. Elles semblaient se heurter, se renverser dans leur course désordonnée.

« Fanny, dit Louisa alarmée et jetant autour d’elle un regard d’effroi, ouvrez seulement les yeux, tournez-les vers moi pour me prouver que vous m’entendez, que vous me comprenez… Oh ! mon Dieu, messieurs, que faire ?… »

Les deux médecins échangèrent un regard, et le docteur Parker se baissant, parla à l’oreille de la petite fille. Celle-ci, n’ayant pas compris, tourna vers lui sa pâle figure et ses grands yeux noirs, mais sans se détacher de sa mère.

Le docteur répéta.

L’enfant redit après lui :

« Maman ! »