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CHAPITRE XIII.

Nouvelles maritimes et affaires de bureau.


Les bureaux de M. Dombey se trouvaient dans une cour qui servait de passage. Au coin se voyait depuis de longues années une boutique où l’on vendait des fruits de choix ; à droite et à gauche c’étaient des marchands ambulants des deux sexes, qui offraient aux chalands, à tout instant de la journée, depuis dix heures jusqu’à cinq, des pantoufles, des carnets, des éponges, des colliers de chiens et du savon de Windsor ; quelquefois même un chien d’arrêt ou un tableau à l’huile.

Le chien d’arrêt venait là en vue de la Bourse où le goût du sport est très en vogue. Les autres objets de vente s’adressaient au public ordinaire ; mais on respectait trop M. Dombey pour jamais les lui offrir. Quand il paraissait, les marchands de ce genre s’écartaient avec respect. Celui qui avait le plus fort débit de pantoufles et de colliers de chiens et qui se croyait une autorité officielle, ayant d’ailleurs son portrait fixé à la porte d’un artiste dans Cheapside, portait la main au bord de son chapeau quand M. Dombey traversait le passage. Le commissionnaire, s’il n’était pas absent pour une course, ne manquait jamais de se précipiter officieusement en avant pour ouvrir aussi grande que possible la porte du bureau de M. Dombey, et la tenait ouverte, chapeau bas, jusqu’à ce que M. Dombey fût entré.

Les employés ne restaient pas en arrière dans cette émulation de respectueuses déférences. Quand M. Dombey traversait le premier bureau, un chut solennel se faisait entendre. Le bel esprit du comptoir devenait au même instant aussi muet que la longue file des seaux à incendie suspendus derrière lui. À la lueur du jour terne et uniforme, qui s’infiltrait à travers les carreaux dépolis des croisées et par les châssis vitrés, laissant sur le verre un sédiment noir, on voyait les registres et les papiers avec les êtres, courbés dessus, comme enveloppés dans une obscurité favorable au travail, et retirés, à ce que l’on eût dit, aussi loin du monde extérieur que si on