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Régulièrement, depuis ce jour, Florence était prête à s’asseoir chaque samedi auprès de Paul pour lui expliquer à l’avance tout ce qu’elle pouvait de ses devoirs de la semaine suivante. La pensée consolante que Florence avait travaillé avant lui la tâche qu’il avait à faire, aurait suffi pour le stimuler dans ses études sans fin ; mais cette pensée, rendue plus chère encore par le soulagement qu’il éprouvait, grâce aux explications de Florence, l’empêcha peut-être de succomber sous le fardeau dont Cornélia Blimber lui chargeait les épaules.

Ce n’était pas que miss Blimber eût l’intention d’être trop exigeante, ou que le docteur Blimber eût un dessein formé de surmener tous les jeunes gens en général, Cornélia, pour sa part, ne faisait que pratiquer sa foi dans les principes où elle avait été élevée ; le docteur, lui, trop obstiné par amour-propre dans le respect de ses idées, prenait tous les jeunes gens pour des docteurs et s’imaginait qu’ils étaient venus tout grands au monde. Encouragé par les éloges des proches parents de ses élèves, et poussé dans cette voie par leur aveugle orgueil et leur désir ridicule d’un avancement trop précipité, le docteur Blimber ne pouvait guère découvrir son erreur, et il eût été au moins singulier de lui voir tourner dans une autre direction ses voiles gonflées par un vent si prospère.

Il en était de même pour Paul. Quand le docteur Blimber disait que ses progrès étaient rapides, et qu’il avait des moyens naturels, M. Dombey souhaitait plus ardemment encore qu’on le poussât, qu’on l’avançât ferme. Quant à Briggs, si le docteur confiait à la famille qu’il ne faisait pas de progrès et qu’il manquait de moyens naturels, Briggs le père se montrait inexorable : il lui fallait des succès. Bref, la température que le docteur donnait à sa serre chaude n’était jamais trop élevée ni malsaine au gré des propriétaires des jeunes plantes, toujours prêts à souffler et à exciter le feu.

Paul, soumis à ce régime, perdit bientôt tout le peu de vivacité qu’il avait dans le principe. Son caractère ne conserva plus que ce qu’il avait d’étrange, de vieux, de réfléchi, et même, la vie qu’il menait alors favorisait tellement ces tendances, qu’il devint peut-être encore plus étrange, plus vieux, plus réfléchi qu’auparavant.

Il n’y avait qu’une différence, c’est qu’il se renfermait beaucoup plus en lui-même. Chaque jour, il devenait plus rêveur et plus réservé : cette curiosité qu’il avait témoignée pour