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par des causes semblables, mais à un moindre degré, il parlait des langues inconnues, ou débitait des lambeaux de grec et de latin, ce qui, pour Paul, était tout un, et dans le silence de la nuit, ces sons bizarres produisaient un effet mystérieux et sinistre.

Paul s’était enfin endormi d’un doux sommeil. Il rêvait que Florence et lui se promenaient, en se tenant par la main, dans de beaux jardins, quand, arrivés près d’un grand soleil, la fleur se changea tout à coup en tam-tam et commença à résonner. En ouvrant les yeux, il s’aperçut que le jour commençait à poindre ; le temps était sombre ; le vent soufflait, la pluie tombait, et c’était bien le tam-tam qui résonnait en bas dans le vestibule, donnant d’une façon terrible le signal du lever.

Il sauta aussitôt à bas de son lit et trouva Briggs, occupé à mettre ses bottes ; le malheureux n’avait plus d’yeux, tant le cauchemar et le chagrin lui avaient bouffi les joues. Tozer, lui, était là tout grelottant, et se frottait les épaules de fort mauvaise humeur. Le pauvre Paul avait beaucoup de peine à s’habiller, car il n’avait pas l’habitude de le faire tout seul et il demanda à ses compagnons s’ils voudraient avoir la complaisance de lui attacher quelques cordons, mais Briggs se contenta de lui dire :

« Vous m’embêtez ! »

Tozer répondit :

« Ah bien, oui ! »

De sorte que Paul descendit un étage à moitié habillé. Mais là il aperçut une gentille jeune femme, occupée à nettoyer le poêle, en gants de peau. Elle parut surprise à sa vue et lui demanda où était sa mère.

« Elle est morte ! » dit Paul.

À cette réponse, la jeune femme ôta ses gants et lui rendit le service qu’il réclamait ; puis elle lui frotta les mains dans les siennes pour les réchauffer, lui donna un baiser et lui dit que, toutes les fois qu’il aurait besoin de quelque chose de semblable (pour ses vêtements, s’entend) il n’aurait qu’à demander Mélia. Paul la remercia et répondit qu’il n’y manquerait pas. Ensuite il continua lentement son voyage le long de l’escalier, et se dirigeait vers la chambre où les jeunes gens travaillaient, quand, passant devant une porte entre-bâillée, une voix cria de l’intérieur :

« Est-ce vous, Dombey ?