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pourtant il en avait gros sur le cœur, lui aussi, le pauvre Bitherstone.

« Vous couchez dans ma chambre, n’est-ce pas ? demanda à Paul un sérieux jeune homme, dont le col montait assez haut pour retrousser le lobe de ses oreilles.

— Vous êtes monsieur Briggs ? demanda Paul.

— Je me nomme Tozer, répondit le jeune homme.

— Oui, » dit Paul.

Et Tozer, lui montrant du doigt l’élève devenu statue, lui apprit que c’était là Briggs. Paul avait déjà pressenti, sans trop savoir pourquoi, que ce devait être ou Briggs ou Tozer.

« Avez-vous un bon tempérament ? » demanda Tozer.

Paul dit qu’il ne le croyait pas, et Tozer répondit que lui ne le croyait pas non plus, à en juger par l’extérieur.

« C’est dommage, ajouta-t-il, car il faut être fort pour ce métier-là. »

Puis il demanda à Paul s’il allait commencer avec Cornélia, et sur sa réponse affirmative, tous les jeunes gens, à l’exception de Briggs, toujours muet, poussèrent un profond gémissement.

Ce gémissement fut bientôt noyé dans le tintinnabulum du tam-tam qui, résonnant de nouveau avec rage, entraîna tous les élèves dans la salle à manger. Briggs, l’élève-statue, resta seul où il était et dans la même position. Paul se rencontra avec une tranche de pain qu’on apportait au pauvre malheureux. Elle était servie proprement sur une assiette, avec une serviette, surmontée d’une fourchette d’argent, posée en travers sur le tout.

Le docteur Blimber était déjà à sa place dans la salle à manger au haut bout de la table, ayant à sa droite et à sa gauche Mme Blimber et miss Blimber. M. Feeder, en habit noir, était à l’autre bout. La chaise de Paul était placée près de celle de Miss Blimber ; mais on s’aperçut, quand il se fut assis, que le niveau de la table lui venait presque aux sourcils ; on apporta donc, du cabinet du docteur, plusieurs bouquins sur lesquels il fut placé. Chaque jour, à partir de ce moment, il fut toujours assis de même, et à chaque repas, on le voyait toujours apporter ses supports et les remporter lui-même, comme un petit éléphant surmonté de sa tour.

Le bénédicité fut dit par le docteur, puis le dîner commença. Il se composait d’une bonne soupe, de viande rôtie et