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chée du même côté ; ses mains, par habitude, se levaient convulsivement par un mouvement involontaire d’admiration ; ses yeux exprimaient la même inspiration. Elle avait la voix la plus douce qu’on eût jamais entendue ; et son nez, étonnamment aquilin, avait juste au milieu une légère protubérance assez semblable à la clef de voûte d’un pont en dos d’âne. À partir de ce point, il descendait par une pente rapide tout le long de son visage avec le ferme propos de ne plus remonter à aucun prix.

Tout ce que portait miss Tox, quoique joli et de bonne qualité, avait quelque chose de roide et d’étriqué. Sur ses bonnets et sur ses chapeaux on voyait de singulières petites fleurs de plantes communes. À ses cheveux se mêlaient parfois des herbes étranges, et plus d’un œil malin avait souvent remarqué que ses cols, ses manchettes, ses jabots, ses poignets, tous les colifichets de toilette enfin, dont les deux bouts doivent se rejoindre, n’étaient jamais d’accord et ne pouvaient se rapprocher sans une lutte violente. Elle avait toute une garde-robe de fourrures pour l’hiver : palatines, boas, manchons, rien n’y manquait, mais le poil en était toujours hérissé. Miss Tox ne savait rien ajuster ; elle avait la manie de ces petits sacs à fermoirs, qui partent comme des pistolets, quand on les ferme ; et lorsqu’elle était en grande toilette, elle mettait à son cou le plus insignifiant des bijoux, quelque médaillon terne et opaque comme un vieil œil de poisson. Toutes ces singularités et bien d’autres encore faisaient croire que miss Tox était loin d’être riche, et qu’elle avait seulement, comme on dit, quelque petite chose dont elle tirait le meilleur parti possible.

À voir sa démarche sautillante, on était porté à croire que, fidèle à son système, sa façon de diviser un pas ordinaire en deux ou trois était en harmonie avec son habitude de ne rien laisser perdre, et de fendre un cheveu en quatre.

« Vraiment, dit miss Tox en faisant une profonde révérence, l’honneur d’être présentée à M. Dombey est une faveur que j’ai depuis longtemps désirée, mais à laquelle j’étais loin de m’attendre en ce moment. Ma chère madame Chick, puis-je dire… ma chère Louisa ? »

Mme Chick prit dans la sienne la main de miss Tox, sans déposer son verre, et dit d’une voix émue en renfonçant une larme : Pouvez-vous le demander ? »

— Eh bien donc, ma chère Louisa, ma tendre amie, comment vous trouvez-vous maintenant ?