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main droite du digne monsieur, et même dans son transport d’admiration, il tint ouverte la main de M. Dombey, avec ses doigts vigoureux, pour y appuyer tendrement son croc. Les sentiments du capitaine étaient chaleureux, mais le fer était froid, et M. Dombey en frissonna des pieds à la tête.

Puis le capitaine Cuttle envoya, à plusieurs reprises, aux dames, des baisers avec son croc, d’un air d’aisance et de galanterie chevaleresques, s’approcha de Paul et de Florence pour leur faire ses adieux et sortit de la chambre avec Walter. Florence courait après eux dans l’empressement de son bon cœur pour les charger de ses amitiés pour le vieux Sol, quand M. Dombey la rappela et lui ordonna de se tenir tranquille.

« Vous ne serez donc jamais une Dombey, ma chère petite ! dit Mme Chick d’un ton de tendre reproche.

— Ma chère tante, dit Florence, ne vous fâchez pas contre moi. Je suis si reconnaissante de ce que papa vient de faire ! »

La pauvre enfant aurait voulu courir se jeter au cou de son père ; mais elle ne l’osait pas, et tournait vers lui ses regards pleins de gratitude, pendant qu’il restait tout pensif. De temps en temps, il jetait du côté de la petite fille un coup d’œil embarrassé ; mais, le plus souvent, il regardait Paul, qui se promenait dans la chambre avec un air de dignité fraîche éclose, tout fier d’avoir donné la somme d’argent au jeune Gay.

Et le jeune Gay ? et Walter ? que devint-il ?

Ah ! qu’il fut joyeux de tirer le vieillard des mains des juges de paix et des huissiers, et de retourner près de son oncle avec les bonnes nouvelles ! qu’il fut joyeux aussi le lendemain d’avoir tout arrangé, tout terminé avant midi, et de s’asseoir après le dîner dans la petite salle à manger avec le vieux Sol et le capitaine Cuttle ! Il était si heureux de voir l’opticien déjà rendu à la santé, plein d’espérance pour l’avenir, se répéter que le petit aspirant de marine était redevenu sa propriété. Mais, sans faire la moindre injure à sa reconnaissance pour M. Dombey, il faut avouer que Walter se sentait triste et abattu. Quand nos espérances naissantes sont flétries dans leur fleur, flétries à jamais par un violent orage, c’est alors surtout que nous nous trouvons plus disposés à nous faire le tableau du bonheur qu’elles nous promettaient si nos rêves s’étaient réalisés ; aussi, au moment où Walter se sentait rejeté de la haute et puissante maison des Dombey par un coup récent et terrible, au moment où il sentait que toutes les pen-