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somption, dit M. Dombey sévèrement, oui, de grande présomption ; car, enfin, les riches ne pourraient pas faire davantage. Paul, venez ici. »

L’enfant obéit et M. Dombey le mit sur ses genoux.

« Si vous aviez de l’argent à vous maintenant, dit M. Dombey, regardez-moi, Paul ! »

Le petit garçon, qui avait regardé alternativement sa sœur et puis Walter, leva les yeux vers son père.

« Si vous aviez de l’argent à vous maintenant, reprit M. Dombey, une somme aussi forte que celle dont a parlé Walter, que feriez-vous ?

— Je la donnerais à son vieil oncle, répondit Paul.

— Vous la prêteriez à son vieil oncle, vous voulez dire ? répliqua M. Dombey. Eh bien ! quand vous serez grand, vous partagerez ma fortune, vous savez, Paul, nous en jouirons en commun.

— Quand nous serons Dombey et fils, interrompit Paul, qui avait appris cette phrase depuis longtemps.

— Oui, quand nous serons Dombey et fils, répéta son père. Seriez-vous bien aise de devenir dès à présent Dombey et fils, et de prêter cette somme à l’oncle du jeune Gay ?

— Oh ! oui, papa, je serais bien content ! dit Paul, et Florence aussi.

— Les filles, dit M. Dombey, n’ont rien à faire avec Dombey et fils. Je vous demande si cela vous ferait plaisir, à vous ?

— Oui, oui, papa !

— Eh bien, vous le ferez, répondit son père. Vous voyez, Paul, dit plus bas M. Dombey, quel est le pouvoir de l’argent et combien on désire en avoir. Le jeune Gay a fait tout ce chemin pour demander de l’argent, et vous, qui êtes si grand et si généreux, vous qui en avez, vous allez le lui donner comme on accorde une grâce, une véritable faveur. »

Le visage de Paul prit pour un moment son expression vieillotte ; on eût dit qu’il avait saisi toute la finesse renfermée dans ces mots ; mais il redevint aussitôt jeune et enfantin, quand il se fut laissé glisser des genoux de son père pour courir auprès de Florence lui dire de ne plus pleurer, qu’il donnerait l’argent au jeune Gay.

M. Dombey alors se tourna vers un petit bureau et écrivit une lettre qu’il cacheta. Pendant l’intervalle, Paul et Florence parlaient tout bas avec Walter, et le capitaine, dominant le petit groupe, nourrissait, en les voyant réunis, des pensées si