Pensant le moment favorable pour étaler ses richesses, le capitaine Cuttle s’approcha de la table ; il écarta les tasses de thé pour faire une place auprès du coude de M. Dombey, tira de sa poche la montre d’argent, les écus, les petites cuillers et la pince à sucre ; puis empilant tout cela en tas, afin de produire plus d’effet, il se permit les réflexions suivantes :
« Le proverbe dit : « Mieux vaut un morceau de pain que point de pain. » Moi, je pense que les miettes valent mieux que rien du tout. Ceci est peu de chose. J’offre aussi une petite rente de cent francs. S’il y a un puits de science dans le monde, c’est bien le vieux Gills. S’il existe un garçon qui donne de grandes espérances, un garçon qui distille le lait et le miel, ajouta le capitaine dans une de ses heureuses citations, c’est son neveu ! »
Le capitaine, alors, retourna à sa place et se mit à arranger sur son front ses mèches de cheveux égarées de l’air d’un homme qui vient de mettre la dernière main à une affaire difficile.
Quand Walter eut cessé de parler, les regards de M. Dombey furent attirés du côté du petit Paul. Voyant sa sœur pencher la tête et pleurer en silence, touchée qu’elle était des malheurs qu’elle venait d’entendre raconter, Paul s’était approché d’elle et avait cherché à la consoler, tout en regardant son père et Walter avec une expression de tristesse. Distrait un moment par les paroles du capitaine, qu’il écouta avec une superbe indifférence, M. Dombey se tourna de nouveau vers son fils et resta quelques moments en silence, les yeux fixés sur lui.
« À quelle occasion cette dette a-t-elle été contractée ? demanda enfin M. Dombey. Et quel est le créancier ?
— Il n’en sait rien, répondit le capitaine en posant sa main sur l’épaule de Walter. Mais moi, je le sais. C’était pour venir en aide à un homme qui est mort maintenant et qui a déjà coûté à mon ami Gills plusieurs centaines de livres sterling. Si vous désirez plus de détails, je vous les donnerai en particulier.
— Des gens qui ont juste ce qu’il leur faut, dit M. Dombey sans prendre garde aux signes mystérieux que le capitaine faisait derrière le dos de Walter et regardant de nouveau son fils, devraient se contenter de remplir leurs obligations et de faire honneur à leurs propres affaires, sans s’embarrasser dans celles des autres. C’est un acte de déloyauté et aussi de pré-