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— Le capitaine Cuttle, qui est un vieil ami de mon pauvre oncle et un bien excellent homme, monsieur, continua Walter avec un regard qui plaidait en faveur du capitaine, a bien voulu s’offrir pour m’accompagner, et je ne pouvais guère refuser.

— Certainement non, dit le capitaine d’un air de satisfaction, vous ne pouviez pas refuser. Il n’y avait pas de raison pour cela. Allons ! Walter, continuez !

— Enfin, monsieur, dit Walter qui se hasarda à regarder M. Dombey et qui, voyant qu’il ne pouvait plus reculer, se sentait le courage du désespoir, enfin je suis venu avec lui, monsieur, pour vous dire que mon pauvre oncle est dans la plus grande désolation, dans le plus grand embarras. Par suite des mauvaises affaires de sa maison, il se trouve dans l’impossibilité de faire un payement. La crainte de ce qui arrive l’a péniblement affecté depuis plusieurs mois, je le sais, monsieur ; et, aujourd’hui, il est menacé d’une saisie ; il va perdre tout ce qu’il a et en mourra de chagrin. Si vous vouliez, monsieur, dans votre bonté, et puisque vous le connaissez depuis longtemps pour un honnête homme, faire quelque chose pour le tirer de peine, nous ne pourrions jamais oublier un si grand service. »

Les yeux de Walter se remplissaient de larmes à mesure qu’il parlait et la petite Florence pleurait aussi. M. Dombey, qui semblait ne regarder que Walter, vit les larmes de sa fille.

« C’est une forte somme, monsieur, dit Walter, plus de trois cents livres sterling. Mon oncle est accablé par son malheur ; c’est un poids bien lourd pour lui, et il ne peut rien pour sortir de cette triste situation. Il ne sait pas même que je suis venu vous parler. Vous désireriez sans doute, monsieur, ajouta Walter après un moment d’hésitation, que je vous disse au juste ce que je viens vous demander. En vérité, je l’ignore moi-même. Pour garantie, vous auriez la boutique de mon oncle, sur laquelle je puis affirmer qu’il n’y a aucune hypothèque, et puis voici le capitaine Cuttle qui s’offre aussi comme caution. Je… je… n’ose pas parler du peu que je gagne, dit Walter, mais… si vous le vouliez bien… en amassant… ce payement, monsieur… si vous pouviez me l’avancer… mon oncle est économe… honnête… c’est un vieillard, monsieur. » Walter s’arrêtait après chacune de ces paroles entrecoupées ; il finit par garder le silence et resta, la tête baissée, devant son maître.