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— J’y viens habituellement une fois la semaine, major, répondit M. Dombey. Je loge hôtel de Bedford.

— Si vous voulez bien me le permettre, monsieur, dit le major, j’aurai l’honneur de me présenter à votre hôtel. Joe Bagstock, monsieur, n’est pas de son naturel très-visiteur, mais M. Dombey n’est pas un personnage ordinaire. J’ai mille remercîments à adresser à mon jeune ami, monsieur, pour l’honneur qu’il m’a procuré de faire votre connaissance. »

M. Dombey fit une réponse des plus aimables, et le major Bagstock donna à Paul une petite tape sur la joue, assura que les yeux de Florence feraient tourner la tête aux jeunes gens avant peu, et même aux vieillards, « monsieur, pour vous dire toute ma pensée, » ajouta le major en éclatant de rire ; puis, poussant devant lui Bitherstone avec sa canne, il s’éloigna avec le jeune gentleman qu’il mit au petit trot, roulant sa tête et toussant de l’air le plus grave, tout en le suivant d’un pas chancelant et les jambes écartées.

Le major n’eut garde de manquer à sa promesse, et quelque temps après vint se présenter chez M. Dombey, qui lui rendit sa visite, toutefois après avoir consulté prudemment les rôles de l’armée. Puis le major visita à Londres M. Dombey et revint avec lui à Brighton dans la même voiture. Bref, M. Dombey et le major devinrent les meilleurs amis du monde en très-peu de temps, et M. Dombey, causant du major avec sa sœur, prétendit que non-seulement c’était un militaire consommé, mais qu’il était surprenant qu’il comprît aussi bien l’importance de choses si peu en rapport avec sa profession.

À la fin, M. Dombey ayant emmené avec lui miss Tox et Mme Chick pour voir les enfants, retrouva le major à Brighton. Il l’invita à dîner à l’hôtel, et adressa auparavant à miss Tox les plus sincères compliments sur son voisin et ami. Malgré les palpitations que lui causèrent ces allusions, miss Tox y trouvait un certain charme, car elle pouvait alors se rendre intéressante et montrer fort à propos une incohérence et une distraction qu’elle avait grande envie de laisser voir. Le major, du reste, lui fournit maintes occasions de manifester son émotion ; car, tout le temps du dîner, il ne cessa de témoigner la tristesse de se voir abandonné lui et la place de la Princesse, et comme il semblait prendre le plus grand plaisir à répéter tout son désespoir, tout allait pour le mieux.

On ne se plaignait pas que le major se chargeât de la conversation et montrât sur ce point un appétit aussi solide que