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faisant, d’autres leçons de conduite morale à Walter. Ils continuèrent leur route sans dire un mot, jusqu’au moment où ils arrivèrent à la porte du vieux Sol. L’infortuné petit aspirant de marine, son télescope à l’œil, semblait chercher au loin, à l’horizon, s’il ne découvrirait pas un ami qui pût le tirer d’embarras.

« Gills ! dit le capitaine en faisant irruption dans la petite salle à manger et serrant tendrement dans la sienne la main de son ami Gills ! tête au vent et bravons l’orage. Oui, tout ce que vous avez à faire, répéta le capitaine du ton solennel d’un homme qui débite le principe le plus précieux que jamais sagesse humaine ait découvert, tout ce que vous avez à faire est de faire tête au vent, et nous braverons l’orage. »

Le vieux Sol lui serra la main à son tour et le remercia affectueusement.

Alors, avec le sérieux qui convenait à la gravité des circonstances, le capitaine posa sur la table les deux petites cuillers, la pince à sucre, la montre d’argent et les écus, puis se tournant vers M. Brogley, l’huissier, il lui demanda à combien se montait la dette.

« Voyons, dit-il, que donnerez-vous de cela ?

— Ah ! grand Dieu ! répondit l’huissier, vous ne pensez pas, j’imagine, que tout ceci soit bon à quelque chose ?

— Pourquoi pas ? demanda le capitaine.

— C’est que le montant du billet est de trois cent soixante-dix livres sterling, fit l’huissier.

— Peu importe, répliqua le capitaine évidemment déconcerté par le chiffre, vos filets prennent tous les poissons, je pense.

— Oui, répondit M. Brogley, mais des éperlans ne sont pas des baleines, vous savez. »

La sagesse de cette remarque sembla frapper le capitaine, il réfléchit un moment, regardant l’huissier comme s’il avait devant les yeux un profond génie ; puis il tira à part l’opticien.

« Gills, dit le capitaine, quelle est la portée de cette affaire ? quel est le créancier ?

— Chut ! fit le vieillard, sortons un peu ; il ne faut pas parler devant Walter. Il s’agit d’un cautionnement pour son père ; c’est une ancienne obligation. J’en ai déjà payé une bonne partie, Cuttle ; mais les temps sont devenus difficiles pour moi, et je ne puis plus rien. Je l’avais bien prévu, mais je ne