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set sa montre d’argent, à double boîte, pour s’assurer que cet objet précieux était en bon état ; rattacha son croc à son poignet droit, et, saisissant son gros bâton noueux, il ordonna à Walter de le suivre.

Cependant, au milieu de son généreux mouvement, le capitaine pensa que Mme Mac-Stinger pouvait bien le guetter en bas, et il hésita un moment. Il regarda par la croisée, mesurant de l’œil la hauteur du premier étage, comme s’il avait eu un moment l’idée d’employer ce moyen singulier de fuir, plutôt que de se rencontrer face à face avec sa terrible ennemie. Toutefois, il résolut de recourir à la ruse.

« Walter, dit-il d’un air embarrassé, sortez le premier, mon garçon. Quand vous serez dans le corridor, criez-moi : Bon soir, capitaine Cuttle ; et fermez la porte sur vous. Puis allez m’attendre au coin de la rue, j’y serai bientôt. »

Certes, le capitaine connaissait bien la tactique de l’ennemie à qui il avait affaire, en donnant à Walter toutes ces instructions ; car le jeune homme, en arrivant au bas de l’escalier, vit Mme Mac-Stinger sortir de sa petite cuisine comme une furie vengeresse ; mais n’ayant pas aperçu le capitaine, comme elle s’y était attendue, elle se contenta de rentrer chez elle, murmurant encore quelque allusion nouvelle au marteau de la porte.

Quelques minutes se passèrent avant que le capitaine eût pris assez de courage pour tenter de s’échapper ; car Walter attendit assez longtemps au coin de la rue, à regarder la maison, avant d’apercevoir la moindre apparence de chapeau de toile cirée. À la fin, le capitaine s’élança hors de la porte comme une trombe, et marchant vers lui à grands pas, sans se retourner une seule fois, il se mit bravement à siffler un petit air, aussitôt qu’ils eurent tous deux quitté la rue.

« Le pauvre oncle doit être à fond de cale, Walter ? demanda le capitaine pendant la route.

— J’en ai bien peur ; si vous l’aviez vu ce matin, il ne vous sortirait pas de l’esprit.

— Pas accéléré ! Walter, mon garçon, répondit le capitaine en allongeant le pas, et marchez toujours ce pas-là pendant tout le cours de votre vie. Ouvrez le catéchisme, vous y trouverez ce commandement, et retenez-le bien. »

Le capitaine était trop préoccupé de Solomon Gills, et peut-être aussi trop absorbé par ses réflexions sur la manière dont il venait d’échapper à Mme Mac-Stinger, pour donner, chemin