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vous ; mais quand je vous vois l’esprit inquiet, je regrette sincèrement de vivre avec vous.

— Je suis un peu triste quelquefois, je le sais, dit Solomon en se frottant doucement les mains.

— Ce que je veux dire, mon oncle, reprit Walter en se penchant encore davantage pour lui frapper légèrement l’épaule, c’est que je voudrais voir assise ici, et vous versant votre thé à ma place, une gentille petite femme bien avenante ou plutôt une bonne dame bien respectable, aisée, accomplie, une brave femme dans votre genre, qui pourrait prendre bien soin de vous et saurait trouver le moyen de vous égayer. Tandis que moi, le plus tendre des neveux, bien sûr, je ne serai jamais qu’un neveu ; je ne pourrai jamais être ce qu’une telle compagne aurait été pour vous depuis bien des années quand la tristesse vous gagne, que le chagrin s’empare de vous, et pourtant je donnerais tout au monde pour vous consoler ! Voilà pourquoi, cher oncle, quand je vous vois l’esprit inquiet, je regrette que vous n’ayez près de vous qu’un jeune étourdi comme moi, aux formes rudes et abruptes, qui a bonne envie de vous consoler, mon oncle, mais qui ne sait comment s’y prendre ; oui, répéta Walter en se penchant encore davantage pour serrer la main de son oncle, oui, vraiment, qui ne sait comment s’y prendre.

— Walter, mon cher enfant, dit Solomon, quand même la bonne et respectable dame aurait occupé dans cette salle depuis quarante ans la place où vous vous trouvez en ce moment, je ne l’aurais jamais aimée plus que vous.

— Je le sais, mon oncle, répondit Walter, et j’en remercie le ciel : mais vous n’auriez pas gardé pour vous seul le poids de vos chagrins, si vous aviez eu près de vous une compagne ; car elle aurait su comment vous les faire oublier ; et moi, cher oncle, moi, je ne le sais pas.

— Si, vraiment ! répondit l’opticien.

— Eh bien ! alors, dites-moi ce que vous avez, oncle Sol ? fit Walter d’un ton caressant ; allons ! confiez-moi ce secret ? »

Solomon Gills lui répéta qu’il n’avait aucune cause de chagrin et le lui affirma si positivement, que Walter dut faire comme s’il le croyait.

« Tout ce que je puis vous assurer, oncle Sol, c’est que s’il y a quelque chose que…

— Mais il n’y a rien, dit Solomon.