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« Souvenez-vous de mes paroles, miss Berry, dit Mme Wickam, et remerciez Dieu de ce que le petit Paul ne vous aime pas trop. Pour moi, je rends grâce au ciel qu’il ne m’ait pas prise en affection ; et cependant, pardonnez-moi ma franchise, on n’a jamais longtemps à vivre dans une prison comme celle-ci ! »

Soit que l’émotion de miss Berry lui eût fait taper un peu trop fort Paul dans le dos, ou qu’elle se fût arrêtée tout court dans cet exercice calmant, mais monotone, il se tourna dans son lit juste à ce moment, s’éveilla, s’assit sur son séant la tête brûlante et tout en sueur, sans doute sous l’impression de quelque mauvais rêve, et il appela Florence. La petite fille sauta en bas de son lit au premier son de sa voix, se pencha aussitôt sur son oreiller, et se mit à chanter doucement pour l’endormir. Mme Wickam secoua la tête, quelques larmes coulèrent de ses yeux, puis elle montra à Berry les deux enfants et leva son regard vers le plafond.

« Bonsoir, miss, dit Wickam tout bas, bonsoir et bonne nuit ! Votre tante est vieille, miss Berry, et ce n’est pas la première fois que vous avez dû y songer. »

Mme Wickam fit à Berry cet adieu si consolant avec un air de commisération profonde. Quand elle se retrouva seule avec les deux enfants, et qu’elle entendit le vent souffler tristement, elle se laissa aller à la mélancolie (plaisir facile et peu coûteux), jusqu’au moment où elle se sentit accablée par le sommeil.

Quoique la nièce de Mme Pipchin ne s’attendît pas précisément à voir ce dragon modèle étendu sans vie sur le tapis de la cheminée, elle fut heureuse, après être descendue, de la retrouver plus maussade, plus sévère que de coutume et paraissant toute disposée à vivre encore de longues années pour le bonheur de tous ceux qui la connaissaient. Pendant la semaine suivante, on ne la vit pas davantage tomber en langueur, et les viandes qui convenaient à son tempérament continuèrent à disparaître régulièrement les unes après les autres ; et pourtant Paul l’étudiait toujours avec la même attention, et on le voyait toujours assis entre la robe noire et le garde-feu avec une constance infatigable.

Cependant, comme Paul depuis le temps de son installation chez Mme Pipchin, n’était pas devenu plus fort, quoique sa mine fût beaucoup meilleure, on lui acheta une petite voiture, dans laquelle il pouvait se tenir à son aise, avec un alphabet