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— Est-ce qu’il y est allé, lui ? » demanda Paul en montrant du doigt Bitherstone.

Mme Pipchin fit un signe de tête affirmatif ; et Paul, pendant tout le reste de la soirée, ne perdit pas de vue le jeune Bitherstone ; il l’examinait de la tête aux pieds, et surveillait tous les mouvements de sa physionomie avec l’intérêt que méritait un garçon qui avait passé par de terribles et mystérieuses épreuves.

À une heure, on dîna. Le repas se composait surtout de farineux et de légumes. Miss Pankey (douce enfant aux yeux bleus, que l’on frictionnait tous les matins de façon à lui écorcher la peau) fut tirée de prison par l’ogresse elle-même, qui lui apprit que toute personne qui osait renifler devant le monde ne pouvait jamais monter au ciel. Quand cette profonde vérité lui eut été bien inculquée dans l’esprit, on la régala de riz. Puis la petite fille récita une sorte de prière habituelle dans le château, et qui se terminait par des actions de grâces à Mme Pipchin pour son dîner. La nièce de Mme Pipchin, Berinthia, mangea un morceau de porc froid ; mais, comme le tempérament de Mme Pipchin réclamait quelque chose de chaud, la bonne dame se fit servir à part des côtelettes de mouton, qu’on lui apporta toutes bouillantes entre deux assiettes, et qui laissaient échapper un fumet fort agréable.

Comme il pleuvait, après le dîner, on ne put aller se promener sur la plage ; et, le tempérament de Mme Pipchin réclamant du repos à la suite des côtelettes de mouton, les enfants sortirent avec Berry, autrement dite Bérinthia, pour aller au donjon, grande chambre qui n’avait pour toute perspective qu’un mur blanchi à la chaux et un tonneau plein d’eau, mais dont l’aspect était rendu plus affreux encore par une énorme cheminée délabrée, dans laquelle il n’y avait pas même de grille pour y faire du feu. Cependant, égayé par la société, cet endroit était encore le plus agréable ; car Berry se mêla à leurs jeux et fit le diable comme eux, jusqu’au moment où Mme Pipchin, frappant avec colère contre le mur, comme le revenant de Cock Lane, les fit rentrer dans le silence. Ils se rangèrent alors autour de Berry, qui leur raconta tout bas des histoires jusqu’à la nuit.

Au lieu de thé, on leur servit en abondance du lait coupé, avec du pain et du beurre ; quant à Mme Pipchin et à Berry, elles eurent un petit pot de thé noir pour elles seules, et l’on apporta à Mme Pipchin un nombre illimité de rôties bien beur-