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vase délabré, d’où débordait à flots, comme l’eau d’une bouilloire trop pleine, une plante, dont les longs bouts verts chatouillaient désagréablement les gens qui passaient en dessous ; on croyait sentir des pattes d’araignée, car l’habitation de Mme Pipchin n’était pas chiche de ces insectes, quoiqu’elle fût peut-être plus prodigue encore de perce-oreilles dans la saison.

Le tarif de Mme Pipchin était cependant très-élevé pour tous ceux qui avaient le moyen de payer, et, son humeur acariâtre ne s’adoucissant jamais en faveur de personne, on la regardait comme une femme de grande fermeté et connaissant à fond le caractère des enfants. Grâce à cette réputation, et aussi à la fin malheureuse de M. Pipchin, elle était arrivée, bon an mal an, à se procurer une honnête aisance depuis la mort de son mari. Trois jours après la conversation de Mme Chick avec son frère, cette vieille et excellente dame eut la satisfaction de toucher de M. Dombey une somme assez ronde par avance, qu’elle ajouta à ses recettes courantes, en même temps qu’elle recevait Florence et son petit frère Paul comme pensionnaires.

Mme Chick et miss Tox, qui les avaient amenés la veille, et qui avaient passé la nuit avec eux dans un hôtel, venaient de les quitter pour retourner à Londres. Mme Pipchin, le dos tourné au feu, passait en revue les nouveaux venus comme un vieux recruteur. La nièce de Mme Pipchin, bonne personne déjà d’un certain âge, esclave des volontés de sa tante, mais si maigre qu’elle n’avait que la peau sur les os, affligée en outre d’un nez tout couvert de bourgeons, était occupée à ôter au jeune Bitherstone le col tout blanc qu’on lui avait mis pour la circonstance. Miss Pankey, la seule autre pensionnaire pour le moment, qui s’était permis de renifler trois fois devant les étrangers, avait été enfermée dans le donjon (c’était une grande chambre donnant sur le derrière du château et qui était destinée aux corrections).

« Voyons, monsieur, dit Mme Pipchin à Paul, pensez-vous que vous m’aimerez un peu ?

— Je ne vous aimerai pas du tout, répondit Paul ; je veux m’en aller. Ce n’est pas ici ma maison.

— Non, car c’est la mienne, dit Mme Pipchin.

— Eh bien ! elle est très-laide, reprit Paul,

— Cependant, il y a ici un endroit encore bien plus vilain, dit Mme Pipchin, c’est celui où nous enfermons les petits garçons méchants.