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« Il faut que Florence vienne me chercher, dit Paul.

— Comment ! vous ne voulez pas venir avec votre pauvre Wickam, monsieur Paul ? demanda la bonne en affectant un air tout désolé.

— Non, je ne veux pas, » répondit Paul, et il prit dans son petit fauteuil l’attitude du maître de la maison.

Mme Wickam se retira, recommandant à Dieu le pauvre innocent, et Florence parut bientôt à sa place. Paul se leva vivement et sans hésiter, et sa physionomie, en souhaitant le bonsoir à son père, avait pris une expression si gaie, si jeune, si enfant, en comparaison de ce qu’elle était, que M. Dombey, tout en se sentant rassuré par ce changement, ne put s’empêcher d’en être surpris et frappé.

Quand ils eurent quitté la chambre tous les deux, il crut entendre une douce voix qui chantait. Se rappelant ce que lui avait dit Paul des chansons de sa sœur, il eut la curiosité d’ouvrir la porte pour écouter et les regarder. Florence avait pris l’enfant dans ses bras et montait péniblement le grand escalier, large et vide ; la tête de Paul était appuyée sur l’épaule et un de ses bras pendait négligemment autour du cou de sa sœur.

Ils s’en allaient ainsi montant avec peine, Florence chantant et Paul quelquefois joignant à sa chanson un accompagnement débile. M. Dombey les vit arriver à la dernière marche de l’escalier, non sans s’être arrêtés plus d’une fois en route ; puis il les perdit de vue ; mais il resta immobile à la même place, les cherchant encore du regard, tant qu’enfin les faibles rayons de la lune, glissant tristement à travers les vitres obscurcies, vinrent lui rappeler qu’il était temps de rentrer chez lui.

Le lendemain, au dîner, Mme Chick et miss Tox furent convoquées pour tenir conseil, et, quand la nappe fut retirée, M. Dombey ouvrit la séance. Il demanda qu’on voulût bien lui dire, sans commentaire et sans arrière-pensée, si Paul n’avait pas quelque chose et ce que M. Pilkins pensait de son état.

« Car cet enfant, dit M. Dombey, est loin d’être aussi fort que j’aurais pu le souhaiter.

— Avec votre tact habituel, mon cher Paul, répondit Mme Chick, vous avez touché juste. Non, le cher enfant n’est pas tout à fait aussi fort que nous l’aurions désiré. Il a vraiment trop d’esprit pour son âge. Son âme est à l’étroit dans