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bey, développant ce thème, chercha à l’inculquer plus fortement dans l’esprit de son fils, qui l’écoutait attentivement et paraissait comprendre la majeure partie de ce qu’il lui disait.

« La fortune ne peut pas me rendre fort et bien portant, n’est-ce pas, papa ? Demanda Paul après un moment de silence, en frottant l’une contre l’autre ses pauvres petites mains.

— Mais vous êtes fort et bien portant, il me semble, » répondit M. Dombey.

Oh ! qui aurait pu dire l’âge de l’enfant quand il leva vers son père sa figure moitié triste, moitié railleuse !

« Vous êtes aussi fort, aussi bien portant que tous les enfants de votre âge, je crois, répéta M. Dombey.

— Florence est plus âgée que moi, mais je ne suis pas aussi fort et aussi bien portant que Florence, je le sais bien, répondit l’enfant ; je suis sûr que Florence, quand elle n’était pas plus grande que moi, pouvait jouer bien plus longtemps de suite que moi, sans se fatiguer. Je suis si fatigué quelquefois ! dit le petit Paul en se chauffant les mains et regardant attentivement à travers les barres de la grille, comme s’il eût découvert là derrière quelque marionnette fantastique, et mes os me font tant souffrir (Wickam dit que ce sont mes os), que je ne peux rien faire !

— Mais c’est le soir, dit M. Dombey en s’approchant tout près de son fils et posant doucement sa main sur son épaule. Il est bon que les enfants soient fatigués le soir, ils n’en dorment que mieux.

— Oh ! ce n’est pas le soir, papa, répondit l’enfant, c’est pendant le jour ; Florence me prend alors sur ses genoux et me chante des chansons. Mais, la nuit, je fais des rêves si drôles ! si drôles ! »

Et il continua à penser à ses rêves, tout en chauffant ses mains comme un bon petit vieux, ou comme un jeune farfadet. M. Dombey était surpris, mal à son aise et incapable de poursuivre la conversation. Il regarda seulement son fils à la clarté du feu, et laissa sa main posée sur son épaule, comme si une attraction magnétique l’y eût retenue. Une fois, de son autre main, il tourna vers lui la figure pensive de l’enfant ; mais la figure retourna bientôt vers le feu, quand il la laissa libre, et resta ainsi absorbée dans la contemplation de la flamme vacillante jusqu’au moment où la bonne vint le chercher pour le coucher.