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nistration de la chambre des enfants avait été confiée à une commission, comme il arrive quelquefois à un ministère public, quand on n’a pas encore trouvé l’Atlas aux larges épaules qui doit en porter le faix. Les membres de la commission, comme de juste, furent Mme Chick et miss Tox, et toutes deux remplirent leur emploi avec un tel zèle, que le major Bagstock put s’apercevoir chaque jour davantage de son abandon, et que M. Chick, privé de la douce surveillance de sa femme, se jeta à corps perdu dans le tourbillon des plaisirs. Il dînait dans les clubs, dans les cafés ; deux ou trois fois il avait senti le tabac ; il allait seul au théâtre ; bref, comme Mme Chick le lui dit un jour, il brisait tous les liens de la société et violait toutes les lois de la morale.

Cependant, en dépit de ses premières promesses, tant de soins et de vigilance ne pouvaient faire de Paul un enfant robuste. Déjà naturellement délicat, il s’affaiblit et dépérit après le renvoi de sa nourrice ; pendant longtemps même, il sembla n’attendre qu’une occasion pour leur glisser entre les doigts, et pour aller rejoindre sa défunte mère. Ce dangereux passage, dans la vie d’un enfant, cette étape du steeple-chase qui l’entraîne vers l’âge viril, fut pourtant surmonté ; mais il fut difficile à franchir, et marqué dans sa course par une foule d’obstacles. Chaque dent qui perçait était un casse-cou ; chaque petit bouton de rougeole était un mur inexpugnable ; il était abattu par la moindre atteinte de coqueluche, ballotté, anéanti par toute une conjuration de petits malaises, qui se pressaient sur les pas l’un de l’autre sans interruption, comme pour l’empêcher de se remettre. Les aphtes le saisissaient à la gorge et ne voulaient plus lâcher leur proie, et la variole, malgré son nom doux et engageant, devenait pour lui d’une férocité inquiétante.

Le froid de son baptême avait glacé peut-être quelque partie sensible de son être, et ce n’est pas à l’ombre de son père qu’il pouvait se réchauffer. Ce qui est bien certain, c’est qu’à partir du jour de son baptême, il fut toujours maladif, et Mme Wickam ne manquait pas de répéter souvent qu’elle n’avait vu de sa vie un pauvre petit martyr comme celui-là.

Mme Wickam était la femme d’un garçon de café, ce qui revenait à être veuve. On l’avait jugée très-convenable pour le service de M. Dombey, car elle semblait n’avoir ni amis, ni connaissances, et partant on n’avait à craindre ni les visites, ni les sorties. Aussi fut-elle prise comme bonne d’enfant deux