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Le major n’en revenait pas. Il se mit à siffler, et son regard exprimait un tel ébahissement, que ses yeux d’autrefois étaient caves et mornes, comparés à ceux qu’il roulait en ce moment. Le lendemain, le surlendemain, deux fois, trois fois, quatre fois la semaine il revit le même enfant. Le major continuait à siffler et à rouler ses grands yeux. Il se promenait solitaire sur la place de la Princesse, mais ce n’était plus pour les mêmes motifs qu’autrefois. Miss Tox ne prenait plus garde à lui. Il aurait pu passer du rouge au noir, que miss Tox s’en serait fort peu inquiétée.

En vérité, l’activité de miss Tox était incroyable. Elle ne faisait que traverser la place de la Princesse pour aller chercher l’enfant et la nourrice ; ou bien elle revenait avec eux, rentrait chez elle avec eux, montait une garde perpétuelle pour veiller sur eux. Avec la même persévérance encore, elle soignait elle-même l’enfant, le caressait, cherchait à l’amuser ou rafraîchissait son jeune sang avec des airs variés sur sa harpe. À la même époque aussi, elle fut prise de la manie de regarder un certain bracelet ; quelque temps après ce fut la lune qui la tenait rêveuse des heures entières à sa croisée. Mais elle avait beau regarder le soleil, la lune, les étoiles et son bracelet, elle ne regardait plus le major. Le major cependant sifflait, roulait ses grands yeux, passait d’étonnement en étonnement et marchait à grands pas dans sa chambre sans pouvoir s’expliquer la chose.

« Vous finirez bien certainement, ma chère amie, par gagner le cœur de mon frère, » dit un jour Mme Chick à miss Tox.

Miss Tox pâlit.

« Il ressemble chaque jour davantage à Paul, » ajouta Mme Chick.

Miss Tox ne répondit rien ; mais elle prit Paul, le petit, dans ses bras et le serra si fort contre son cœur, que le chou du joli bonnet en fut tout chiffonné et tout aplati.

« Ma chère, dit miss Tox, ressemble-t-il à sa mère, dont vous deviez me faire faire la connaissance ?

— Pas du tout, répondit Louisa.

— Elle était… jolie, je crois ? balbutia miss Tox.

— Oh ! la pauvre Fanny était intéressante, dit Mme Chick, après un peu de réflexion. Oui, elle était intéressante. Mais elle n’avait pas cette dignité imposante qu’on aurait dû s’attendre naturellement à trouver dans la femme de mon frère, elle n’a-