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mes de la Princesse, fréquentées assidûment par des domestiques de grandes maisons. Une chaise à porteur, qui de mémoire d’homme n’avait jamais changé de place, se trouvait devant les Armes de la Princesse, dans l’intérieur de la grille, et, dans la belle saison, miss Tox avait remarqué que les quarante-huit pointes des barreaux, qu’elle avait souvent comptés, étaient coiffées chacune de son pot à bière renversé.

Outre la maison de miss Tox, il y avait encore sur le même emplacement une autre maison particulière ; car il est inutile de parler d’une grande porte cochère avec deux têtes de lion pour marteaux ; porte qui ne s’ouvrait jamais et qu’on supposait avoir dû servir, dans un temps, d’entrée pour conduire aux écuries. En effet, on respirait sur la place de la Princesse un parfum de cheval, et la chambre de miss Tox, qui donnait sur le derrière, avait vue sur une longue suite d’écuries, où les valets, quelles que fussent leurs occupations, ne manquaient jamais de les entremêler de scènes à grand tapage. De ses fenêtres aussi, miss Tox avait l’avantage de voir suspendus sur les murs, comme les étendards de Macbeth, les vêtements les plus intimes et les plus secrets des cochers, de leurs femmes et de toute leur famille.

Dans la seconde maison particulière de la place de la Princesse, un sommelier retiré, qui avait épousé une femme de charge, louait ses appartements meublés à un célibataire, un major de l’extérieur le plus comique, avec des traits anguleux, un visage enluminé, des yeux qui lui sortaient de la tête, et auquel miss Tox trouvait, comme elle le disait, un je ne sais quoi tout à fait militaire. Un échange de journaux, de petits livres, et d’autres attentions tout aussi platoniques, avaient lieu entre le major et miss Tox, par l’intermédiaire d’un domestique noir au service du major, que miss Tox se contenait d’appeler un naturel, sans rattacher au lieu de sa naissance la moindre idée géographique.

Peut-être ne vit-on jamais un corridor et un escalier aussi étroits que le corridor et l’escalier de la maison de miss Tox. Du haut en bas, c’était la petite maison la plus incommode, la plus tortueuse de toute l’Angleterre ; mais miss Tox en vantait sans cesse l’agréable situation. Dans l’hiver, c’est à peine si l’on y voyait en plein jour, et même dans l’été le soleil ne s’y montrait jamais ; quant à l’air, il n’y fallait pas songer, pas plus qu’à voir des boutiques animer ses murs de clôture fermés au commerce ; pourtant miss Tox de répéter toujours :