Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 3.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

» — Et pour adoucir les miens… » ajouta-t-elle ; « cher Trotwood, non ! »

J’insistai : « Chère Agnès, c’est présomptueux à moi, qui ai si peu de ce qui vous rend si riche, si peu de votre vertu, de votre décision, de toutes vos nobles qualités… c’est présomptueux de douter de vous ou de vouloir vous diriger ; mais vous savez combien je vous aime et tout ce que je vous dois… Promettez-moi, Agnès, de ne jamais vous sacrifier à un sentiment erroné du devoir. »

Plus émue que je ne l’avais jamais vue être, elle retira sa main de la mienne et fit un pas en arrière. Je continuai.

« — Dites-moi, Agnès, que vous n’avez jamais eu une pensée semblable : chère sœur, plus chère qu’une sœur ! songez au prix d’un cœur tel que le vôtre, d’un amour tel que le vôtre. »

Ah ! long-temps, long-temps après, je la revis telle qu’elle me regarda alors sans laisser échapper un mot de surprise, d’accusation, de regret… Ah ! long-temps, long-temps après, je la revis m’adresser ce rapide et indéfinissable coup d’œil, puis retrouver aussitôt son céleste sourire en me disant : « Si je n’ai aucune crainte pour moi… n’en ayez aucune… Adieu, mon frère ! » et elle se retira.