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Je l’envoyai cependant. La nuit venue, je courus à la rue de M. Mills, où je me promenai jusqu’à ce qu’on m’introduisit dans l’arrière-cuisine. J’ai eu depuis des motifs pour croire que j’aurais fort bien pu être introduit dans le salon, n’eût été le goût de Miss Julia Mills pour le romanesque et le mystérieux.

Je ne décrirai pas la scène de démence qui eut lieu dans l’arrière-cuisine de M. Mills. Julia avait reçu un billet écrit à la hâte par Dora, qui lui apprenait que tout était découvert et la suppliait de venir la voir ; mais Miss Julia, se défiant de l’autorité supérieure en un pareil moment, ne s’était pas rendue encore chez M. Spenlow, et, selon son expression favorite, « nous étions tous dans le sombre désert de Sahara. »

Miss Julia avait une merveilleuse abondance de paroles, et quoiqu’elle mêlât ses larmes aux miennes, je ne pus m’empêcher de sentir qu’elle trouvait une cruelle volupté dans nos douleurs. Elle se plaisait à dire avec une tendre emphase qu’un gouffre profond s’était ouvert tout-à-coup entre Dora et moi, un gouffre sur lequel l’amour seul pouvait jeter le pont de son arc-en-ciel. Les amants, ajoutait-elle, sont condamnés à souffrir dans ce monde