Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 1.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.

CHAPITRE II.

J’observe.


Les premiers objets qui prennent pour moi une forme distincte dans ce tableau rétrospectif, c’est ma mère et c’est Peggoty : ma mère avec ses jolis cheveux et sa taille svelte ; Peggoty, qui n’avait pas de taille du tout, mais de gros yeux noirs, des joues rouges et des bras plus rouges encore. Je m’étonnais parfois de ne pas voir les oiseaux venir les becqueter de préférence aux pommes.

Je crois me rappeler ces deux figures à quelque distance de moi, se baissant pour me faire signe de venir seul jusqu’à elles, ou se tenant à genoux et moi me traînant de l’une à l’autre. Je crois sentir l’impression du doigt que me tendait Peggoty, ce doigt durci par son travail de couture et rude comme une râpe à muscade.

C’est peut-être un caprice de mon imagination, mais je pense que notre mémoire peut aller plus loin dans le passé qu’on ne le suppose généralement, comme je pense encore que beaucoup de très jeunes enfants sont doués d’une faculté d’observation extraordinaire. On aurait même tort de dire que la plupart des