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tante pouvait bien, en ce moment, y être assise solennellement.

J’ai dit que mes souliers étaient dans un misérable état : à peine s’ils conservaient quelque chose de leur forme primitive, tant les semelles étaient déchiquetées, tant le cuir était crevassé. Mon chapeau, qui m’avait servi aussi de bonnet de nuit, ne ressemblait guère non plus à un chapeau. Ma chemise et mon pantalon, souillés par la sueur, la rosée, le gazon et l’argile du comté de Kent, auraient suffi pour effrayer les moineaux du jardin de ma tante. La brosse et le peigne n’avaient plus touché ma chevelure depuis mon départ de Londres. Le grand air et le soleil avaient tanné et noirci la peau de mon visage, de mon cou et de mes mains, une poussière si épaisse me poudrait de la tête aux pieds, que je semblais sortir d’un four à plâtre. Tel était mon accoutrement, telle était mon apparence extérieure : impossible de me dissimuler qu’elle n’était pas propre à faire une impression très favorable sur mon imposante tante, si je persistais à m’introduire ainsi devant elle ; mais je ne pouvais plus reculer.

Le silence qui régnait au salon me fit enfin conclure que la maîtresse du logis n’y était