Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 1.djvu/353

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je l’aurais certainement donné si un regard de la femme, son léger hochement de tête et un mouvement de ses lèvres ne m’eussent inspiré la réponse négative.

« — Je suis très-pauvre, » dis-je en essayant de sourire, « et je n’ai pas d’argent.

» — Qu’entendez-vous par là ? » repartit le chaudronnier avec un regard tellement sinistre, que je craignais presque qu’il ne vît mon argent à travers ma poche.

« — Que signifie, » continua le jeune coquin, « la cravate de soie que vous avez au cou ? C’est celle de mon frère : rendez-la moi. » Et, la détachant lui-même au même instant, il la jeta à la femme.

La femme partit d’un éclat de rire, comme si elle pensait que ce n’était qu’une plaisanterie, et me rejeta la cravate avec un nouveau signe de tête qui me disait aussi clairement que possible : « Allez-vous en. » Avant que j’eusse levé le pied, le chaudronnier ressaisit la cravate avec un geste violent, puis, se retournant sur la femme, lui asséna un coup terrible sur la tête. Je la vis tomber, rouler dans la poussière, et quand, ayant fui à quelques pas, je ne pus m’empêcher de la regarder encore, elle était assise sur le bord de la route,