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tait pas un de mes anciens dimanches… le calme et le repos étaient partout excepté en moi : en me sentant sale, poudreux, presque déguenillé, les cheveux en désordre, je sentais aussi naître dans mon cœur de malveillants instincts. Ah ! pour continuer mon triste pèlerinage, plus d’une fois j’eus besoin d’évoquer le tableau qui me représentait ma mère, belle, jeune et pure, pleurant auprès de son feu et inspirant une tendre pitié à ma tante redoutée… heureusement cette image ne m’abandonna pas, je ne cessai de la voir devant moi et je la suivis.

Je fis, ce dimanche-là, vingt-trois milles sur la route directe, quoique non sans peine, car j’étais neuf à ce genre de fatigue. Je me vois, à la tombée de la nuit, passant le pont de Rochester, les pieds endoloris et mordant un morceau de pain que j’avais acheté pour souper. Une ou deux petites maisons m’avaient tenté par leurs enseignes qui annonçaient « qu’on y logeait les voyageurs ; » mais j’avais peur de dépenser les pence qui me restaient, et j’étais plus effrayé encore d’y rencontrer les hommes de mauvaise mine qui parcouraient la même route que moi. Je ne cherchai donc d’autre abri que la voûte du ciel, et me traînai