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le bouquiniste savait, par parenthèse, à peine lire : il était souvent ivre et sa femme concluait les marchés pour lui ; tandis que le prêteur sur gages était un latiniste qui me priait de lui conjuguer un verbe pendant qu’il inscrivait sur son registre ce que je lui apportais de la part de Mrs Micawber.

Ces dernières ressources s’épuisèrent aussi : la crise éclata enfin, et un beau matin M. Micawber, arrêté tout de bon, fut emmené à la prison du Banc du Roi. « C’en est fait, » me dit-il en quittant sa maison : « le dieu du jour a tiré le rideau sur moi ! » Je le crus réellement au désespoir. J’appris plus tard que le soir même il avait fait une partie de quilles dans la cour de la geôle.

Le dimanche après son incarcération, j’allai lui rendre ma première visite, non sans avoir été forcé de demander plusieurs fois mon chemin ; lorsque je franchis le seuil fatal, je me souvins de mon héros Roderick Random, grâce auquel je n’ignorais pas tout-à-fait ce qu’était une prison pour dettes.

M. Micawber m’attendait au préau ; il pleura et me supplia solennellement de ne jamais oublier que si un homme qui a vingt livres sterling de rente ne dépense que dix-neuf li-