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ma vie. Je travaillais bravement du matin au soir avec mes camarades, et je ne tardai pas à être presque aussi mal vêtu qu’eux. J’aurais fini, sans doute, si Dieu n’avait eu pitié de moi, par devenir un petit voleur ou un petit vagabond ; car, lorsqu’un shelling de gratification m’était donné par M. Quinion, je ne me faisais aucun scrupule de dîner ce jour-là plus copieusement ou de régaler les autres employés avec un thé complet ou du café. J’avais surtout une propension à la flânerie qui me poussait tantôt vers le marché de Covent-Garden, où je regardais les ananas avec une certaine convoitise, tantôt sous les arcades d’Adelphi, mystérieux labyrinthe, tantôt enfin du côté d’un cabaret, près de la rivière, où les charbonniers se donnaient rendez-vous devant la porte et dansaient joyeusement. Cela m’amusait d’être le témoin muet de ce bal vulgaire : que devaient penser de moi tous les danseurs ?

M’étais-je ainsi peu à peu accoutumé à une condition qui m’avait d’abord paru dégradante ? On l’aurait cru, tant j’étais parvenu à déguiser mon sentiment d’humiliation. C’était encore un soin que je prenais de ma dignité : je n’aurais pas voulu qu’on sût tout ce que j’avais souffert, tout ce que je souffrais tou-