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payer… payez ; oh ! vous m’entendez bien, quoique vous ne répondiez pas. » Comme on ne lui répondait pas davantage, le terrible bottier changeait de ton et se servait de gros mots : « Voleurs, filous. » Puis, exaspéré par le silence, il retraversait la rue, se postait sur le trottoir de l’autre côté, et là, il vociférait jusqu’au second étage, où il savait que se tenait M. Micawber. Dans ces occasions-là, M. Micawber, mortifié et désespéré, menaçait de se suicider avec un rasoir, comme j’en fus instruit un matin par le cri d’épouvante que jeta sa pauvre femme. Mais, deux heures après, cet infortuné débiteur, revenu à lui-même, se mettait à cirer ses bottes, et puis sortait en fredonnant un air de chanson avec sa dignité et son affabilité habituelles. Mrs Micawber n’était pas d’humeur moins élastique. Je l’ai vue s’évanouir à quatre heures en recevant une assignation du fisc, et l’heure d’ensuite manger des côtelettes panées arrosées d’un verre d’ale, après avoir été forcée de mettre en gage deux petites cuillers à thé pour se procurer ce dîner. Le soir venu, ayant réparé le désordre de ses cheveux et allaité successivement ses deux jumeaux, elle m’invitait à m’asseoir à côté d’elle, devant le feu, et là me racontait des