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plissaient de terreur. Je crois que M. Murdstone se trouvait un peu gêné dans ses affaires ; mais le contraire eût existé, il eût été millionnaire, que cela ne lui eût pas inspiré plus d’amitié pour moi ; je crois qu’il aurait voulu ne pas me voir pour oublier qu’il avait des devoirs à remplir à mon égard… il y réussit.

Je n’étais pas maltraité, battu, privé de nourriture ; mais j’étais la victime d’un froid et systématique abandon. Qu’aurait-on fait de moi si j’étais tombé malade ? il y a apparence qu’on m’eût oublié dans ma chambre et que j’y serais mort faute de soins.

Quand M. et Miss Murdstone habitaient la maison, je mangeais avec eux ; en leur absence, je mangeais seul. Je pouvais, il est vrai, aller en liberté rôder dans le voisinage, mais avec l’injonction d’éviter les personnes qui auraient pu s’intéresser à moi… on avait peur, sans doute, que je ne me plaignisse et que le souvenir de mon père ou de ma mère ne me suscitât une protection. C’est pourquoi M. Chillip avait beau m’inviter d’aller le voir, je n’osais que rarement accepter cette invitation charitable ; cependant, je passais de temps en temps l’après-midi dans son cabinet de chirurgie, lisant là comme partout, car j’avais heureu-