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Je naquis à Blunderstone, dans le comté de Suffolk, ou « pas loin de là, » comme on dit en Écosse. J’étais un enfant posthume. Il y avait six mois que les yeux de mon père s’étaient fermés à la lumière de ce monde, lorsque les miens s’ouvrirent. J’éprouve toujours je ne sais quelle sensation étrange en pensant qu’il ne me vit jamais, une sensation plus étrange encore en revenant aux vagues réminiscences qui associent mes premières réflexions d’enfant avec la pierre blanche de sa tombe dans le cimetière. Je n’oublierai jamais la pitié indéfinissable qui me saisissait quand je me figurais mon père abandonné là, seul, dans les ténèbres de la nuit, tandis que notre petit salon, bien chaud et bien éclairé, lui fermait cruellement ses portes !

Une tante de mon père, et, par conséquent, une grand’tante à moi, était le personnage éminent de notre famille. Elle jouera un grand rôle dans mon histoire. Miss Trotwood, ou Miss Betsey, comme ma pauvre mère l’appelait lorsqu’elle parvenait à contenir assez sa terreur de ce personnage redoutable pour en parler, — ce qui était rare, — Miss Betsey avait épousé un mari plus jeune qu’elle, un fort bel homme, mais non dans le sens de l’a-