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d’une partie de moi-même. Le billet gagnant avait été pris par une vieille dame qui, bien à contre-cœur, tira d’un panier la somme stipulée toute en menue monnaie, dont deux pièces rognées, ce qu’elle ne voulut nullement reconnaître, quoiqu’on perdit je ne sais combien de temps à le lui prouver arithmétiquement. C’est un fait remarquable, qu’on citera souvent, que la brave dame ne fut jamais noyée et mourut triomphalement dans son lit à l’âge de quatre-vingt-douze ans. On prétend qu’elle se vantait fièrement de n’avoir jamais été sur l’eau, excepté en passant un pont, et que lorsqu’elle prenait le thé (elle prenait volontiers le thé), elle avait pour habitude constante d’exhaler son indignation contre l’impiété des marins ou de tous autres individus assez présomptueux pour aller s’égarer en mer sous prétexte de courir le monde. Vainement lui représentait-on que quelques agréments de la vie, le thé peut-être compris, étaient dus à cette présomption qui l’indignait, elle répliquait toujours, avec un nouveau degré d’emphase et de plus en plus sûre de la force de son objection : « Non, non, n’allons pas nous égarer. »

De peur de m’égarer moi-même en ce moment, je reviens à ma naissance.