Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 1.djvu/276

Cette page a été validée par deux contributeurs.

plus prononcée… Je ne saurais définir le sentiment qui me fit feindre de ne pas la reconnaître ; mais je la laissai passer à côté de moi comme si je regardais quelque chose au-delà ! Plus tard, dans ma vie, je crois bien avoir une fois ou deux joué la même scène.

La petite Émilie n’eut pas l’air de s’en préoccuper. Elle comprit tout de suite ce jeu, et au lieu de venir à moi, de tourner autour de moi, elle passa et se mit à rire en courant. Cela me força de courir après elle, et elle courut si vite que nous étions près de la porte lorsque je la rattrapai.

« — Ah ! est-ce donc vous ? dit la petite Émilie.

» — Mais vous saviez bien qui c’était, Émilie, lui répondis-je.

» — Et vous donc, reprit-elle, ne saviez-vous pas qui c’était ? » Je voulais l’embrasser, mais elle couvrit de ses mains sa bouche vermeille en disant : « Je ne suis plus une petite fille à présent… » Puis elle s’esquiva et entra dans la maison, riant plus que jamais.

Elle parut prendre plaisir à me contrarier. C’était là en elle un changement qui me surprit beaucoup. La théière fumait sur la table et notre petit coffre fut mis à l’ancienne place…