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de me le dire. J’avais déjà poussé un cri de désespoir, le cri de l’enfant qui se sent orphelin dans le désert du monde.

Mrs Creakle fut très bonne pour moi. Elle me garda tout le jour, me laissant quelquefois seul. Je pleurai et pleurai encore jusqu’à éprouver l’accablement qui précède le sommeil ; je dormis, et me réveillai pour recommencer à pleurer. Lorsque mes larmes se tarirent, je me mis à réfléchir, et alors l’oppression de mon cœur fut telle qu’il me semblait que rien ne pouvait le soulager.

Cependant mes réflexions se succédaient vagues et sans suite. Elles ne se concentraient pas sur mon malheur : je passais en revue tous les souvenirs qu’il avait réveillés, et cherchais à me figurer quelles en devaient être les conséquences immédiates : je pensais à notre maison fermée, au silence qui y régnait, à mon petit frère que Mrs Creakle m’avait dit être languissant et ne pouvant long-temps survivre ; je pensais au tombeau de mon père dans le cimetière, et à l’arbre si bien connu de moi sous lequel ma mère aussi allait être déposée. Lorsque Mrs Creakle me laissa seul, j’étais assis ; je me levai pour regarder à la glace si mes yeux étaient rouges et mon visage