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Londres, par MM. Bradbury et Evans, riches éditeurs. Charles Dickens, séduit par de brillants avantages pécuniaires et la promesse d’une grande part d’influence, devait se consacrer exclusivement à cette feuille politique (The Daily News). Il avoue qu’il commit, en s’engageant ainsi, une courte méprise (a short mistake). Quoique enfant de la presse, il est depuis trop long-temps accoutumé à écrire selon son caprice pour abdiquer sa personnalité dans une œuvre collective, première condition tacitement imposée à tout écrivain qui se fait sérieusement journaliste. Avec le format des journaux actuels en Angleterre, la pensée d’un seul homme ne saurait plus suffire aujourd’hui, comme du temps de Daniel de Foë (ce multiple et merveilleux ouvrier de la presse), pour donner un corps et une âme à ces oracles quotidiens, forcés, chaque matin, de réaliser la fameuse thèse de Pic de la Mirandole, traitant de omnibus rebus et quibusdam aliis (de toutes choses et de quelques autres encore).

Charles Dickens cessa, au bout d’un premier trimestre, de collaborer au Daily News. La question sur laquelle il revenait le plus souvent dans ce journal est celle de l’abolition de la peine de mort. Il avait le projet d’examiner plusieurs autres questions de morale, de législation et d’économie politique ; car cet Hogarth littéraire, ce romancier satirique, cet ingénieux peintre des mœurs populaires, cet esprit humouriste, ne croit pas qu’une haute intelligence doive se contenter du métier d’amuseur public. Les romanciers moralistes sont un peu comme les prédicateurs : leurs sympathies, charitables pour la classe pauvre, se traduisent quelquefois en récriminations démocratiques contre les classes supérieures. Charles Dickens a pu, dans un meeting ou dans un banquet philanthropique, disserter sur la question sociale avec un faux semblant de socialisme qui a trompé ceux qui voudraient l’enrégimenter dans cette sophistique utopie, où l’on dispose des biens de la terre avec une générosité très commode, car nous n’avons pas encore vu un