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On regrette sans doute que ce peintre d’intérieurs n’ait pas pénétré dans les coins intimes de la vie italienne, qu’il n’ait vu, ou du moins qu’il n’ait décrit que l’Italie extérieure, la place publique, la rue, la société qu’on rencontre sur les routes et à bord des bateaux à vapeur ; mais, grâce à la rapidité de son coup d’œil, Charles Dickens saisit au passage tout ce qu’il y a de saillant et maintes particularités qui échappent aux touristes ordinaires. Pour peu qu’un compagnon de voyage ait une physionomie en relief, il lui compose un rôle, et le récit s’anime comme une de ces scènes épisodiques dont le comédien Mathews, ce Protée du théâtre de Londres, faisait à lui seul le dialogue et la pantomime. Son courrier, espèce de factotum nomade, la femme qui lui montre les oubliettes d’Avignon, le vieux pâtre de Gênes qui veut le convertir et lui raconte l’histoire de saint Pierre pour le plaisir d’imiter le coq dont le chant réveilla le remords au cœur de l’apôtre, le petit Français de Marseille qui protège familièrement un bonhomme de capucin, et le même capucin qui, devenu un des fonctionnaires de la procession de Nice, écrase de son mystérieux regard le Français goguenard, reparaîtront peut-être un jour dans quelque cadre romanesque, comme les figures esquissées par Boz ont retrouvé une vie nouvelle dans Oliver Twist et Nicholas Nickleby. Je ne ferai plus qu’une remarque en l’honneur de Charles Dickens à propos de ce voyage. Appartenant à un culte ennemi du catholicisme et habituellement porté à trouver un côté plaisant aux choses les plus graves, il parle avec une rare convenance des cérémonies de la religion qu’on professe en Italie, et il ne critique que ce que beaucoup de bons catholiques peuvent critiquer eux-mêmes en toute sûreté de conscience, fidèle à la charité et à la philosophie qui l’avaient si bien inspiré dans son tableau historique des troubles de 1780.

Quelques chapitres de ce voyage d’Italie avaient paru sous la forme épistolaire dans le nouveau journal fondé à