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gérer si je disais que la grande majorité attesta aux autres, par ses cris et ses pleurs, que M. Creakle revenait des bains de mer plus tyran que jamais.

Je ne pense pas qu’aucun maître de pension ait joui de sa profession avec un bonheur égal à celui de M. Creakle. Frapper les enfants était pour lui un besoin, un appétit qu’il ne pouvait s’empêcher de satisfaire. Il ne résistait pas au plaisir de souffleter un enfant joufflu ; des joues vermeilles exerçaient sur lui une véritable fascination : il les regardait le matin avec une envie inquiète, et la journée ne se passait pas sans qu’il eût trouvé l’occasion d’y appeler une teinte plus foncée encore avec le revers de sa main. J’étais un petit joufflu moi-même et j’en parle en connaissance de cause. Je ne saurais penser à M. Creakle aujourd’hui sans éprouver l’indignation désintéressée qui me révolterait si j’avais pu le connaître sans avoir été en son pouvoir ; mais je m’indigne, parce que je sais quelle incapacité s’alliait à cette brutalité, chez cet homme aussi peu propre à conduire des enfants qu’à être grand-amiral ou général en chef, — deux fonctions dans lesquelles il eût moins fait de mal, à coup sûr, que dans celle de maître de pension.