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mon côté, je ne pouvais songer à faire les honneurs du festin ; l’idée seule eût paralysé ma main. Je le priai donc de présider ; ma requête étant appuyée par les autres élèves de notre dortoir, il s’y rendit, s’assit sur mon oreiller, distribua les gâteaux avec une égalité parfaite, et versa à chacun sa part de vin de groseille dans un petit verre sans pied qui était sa propriété particulière. J’étais moi-même assis à sa gauche : les autres convives groupés autour de nous sur les couchettes les plus proches ou sur le plancher.

Je me rappelle tous les détails de notre petite fête et notre causerie à voix basse, ou plutôt leur causerie, car je me contentais d’écouter avec une attention respectueuse : la lune dessinait sur le plancher la forme décalquée de la fenêtre à travers laquelle ses rayons s’introduisaient obliquement dans le dortoir ; cette espèce de crépuscule lunaire s’illuminait quelquefois aussi artificiellement, lorsque Steerforth, pour mieux voir les friandises dont nous nous régalions, plongeait une allumette dans un briquet phosphorique d’où elle ressortait comme une petite fusée, jetant une flamme bleuâtre qui s’éteignait presque aussitôt. On devine l’impression que dut produire sur mon