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Sous le rapport du choix de leurs sujets, il existe une grande analogie entre la première manière du peintre Wilkie et les premiers romans de Charles Dickens. Comme le Teniers anglais, allant faire en Espagne, en Italie et jusqu’en Orient de nouvelles études, l’auteur d’Oliver Twist semble, depuis quelques années, chercher un plus large horizon en allant successivement voyager aux États-Unis, en Italie et en Suisse. Il était naturel qu’il tournât d’abord ses regards vers cette Amérique anglaise, où la piraterie des libraires lui avait créé des lecteurs par millions. L’annonce de son excursion de l’autre côté de l’Atlantique fut saluée par tous ces lecteurs avec une acclamation universelle. On lui prépara littéralement une odyssée triomphale. À son débarquement, il y eut une foule pour le recevoir. Un prince eût plus facilement que le simple romancier réclamé l’incognito au milieu de cette population démocratique. Partout où la présence de Charles Dickens était soupçonnée, il se faisait une espèce d’émeute de curieux ; partout où ce nom était prononcé, mille échos le répétaient avec des transports, et ce cri d’enthousiasme éclata même, je crois, pour lui, au-dessus de la voix tonnante des cascades du Niagara.

Charles Dickens publia, à son retour, la relation de son voyage. — Qui ne s’attendait à trouver dans cette relation, l’enthousiasme du voyageur pour l’Amérique au niveau de l’enthousiasme de l’Amérique pour le voyageur ? Mais telle est l’irrésistible nature de cet esprit observateur, telle est son impartialité, telle est son antipathie pour toute exagération et toute emphase, telle est sa clairvoyante et impitoyable perception du ridicule, qu’au risque de blesser la vanité de ce peuple géant, mais géant quelquefois enfant et qui se laisse aller à quelques puérilités, — Charles Dickens a mêlé la critique à l’éloge dans des proportions fort inégales. Son libéralisme politique n’a pu lui faire fermer les yeux sur les vices de cette démocratie qui a trop sou-