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morceaux, et, les ayant ajustés, il commença immédiatement sa musique. Il m’en est resté l’impression que jamais homme ne joua plus mal de la flûte. Impossible d’imaginer une cacophonie pareille de sons naturels ou artificiels. Je ne sais si ces sons formaient ce qu’on appelle un air, et si cet air réveilla en moi mes plus tristes pensées ; mais le premier effet de son influence fut de me rappeler tous mes chagrins, jusqu’à me faire venir les larmes aux yeux ; le second, de m’ôter tout appétit, et le troisième de produire une telle somnolence, que j’avais peine à tenir les yeux ouverts. Ce souvenir m’endort presque encore aujourd’hui ; oui, j’ai beau faire, je cesse de voir cette petite chambre de l’hospice, avec son buffet dans un de ses quatre coins, ses fauteuils à dossiers carrés, l’escalier qui conduisait à la chambre au-dessus, la cheminée dont le manteau était décoré de trois plumes de paon (infortuné paon, s’il eût pu se douter du lieu où devait briller un jour sa queue superbe !). Tout cela s’efface et s’évanouit devant moi ; je sommeille… Ce n’est plus la flûte que j’entends, ce sont les roues de la diligence. Je recommence le voyage ; mais un cahot me réveille en sursaut ; la flûte gémit de nouveau,