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J’examinai alors plus attentivement cette pauvre invalide : quoiqu’il fît chaud ce jour-là, elle semblait ne penser qu’au feu. On l’aurait cru jalouse de la petite casserole ; or, comme on l’employa à faire cuire mon œuf et à frire mon lard, elle m’en voulut tout d’abord, me menaça même, une fois, du poing pendant cette opération culinaire ; ayant, du reste, rapproché encore son grand fauteuil de la cheminée, elle enveloppait ainsi le feu comme si c’était elle qui le réchauffait, et le surveillait avec une avare défiance. Enfin mon déjeuner étant cuit et le feu délivré, elle en exprima sa joie par un accès de rire… qui, je dois le dire, n’était nullement mélodieux.

Je m’assis pour manger mon œuf, mon lard et mon pain brun. Grâce à l’addition d’une jatte de lait qu’était allée me chercher la première vieille, je fis là un repas délicieux. Pendant que je jouissais de mon régal, la première vieille dit au maître :

« — Avez-vous sur vous votre flûte ?

» — Oui, répondit-il.

» — Jouez-en un air, dit la vieille avec un ton caressant. Jouez, je vous en prie. »

Le maître, sans se faire prier, passa une main sous son habit, il tira sa flûte en trois