Page:Dickens - David Copperfield, traduction Pichot, 1851, tome 1.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Bientôt l’histoire de ma voracité supposée circula parmi tous mes compagnons de l’impériale et ils en firent des gorges chaudes. « — On vous fera payer pour deux à la pension, me disait celui-ci. » — « Vous avez dû faire des conditions particulières, me disait celui-là. » Mais le pire, c’est que je sentais que la honte m’empêcherait de manger, malgré mon léger repas, si nous faisions étape à une nouvelle auberge, et, dans ma précipitation de prendre ma place, j’avais oublié mes gâteaux. En effet, la diligence s’arrêta pour souper ; mais je n’eus pas le courage de m’asseoir avec les autres, quoique mon estomac criât la faim. « — Je n’ai besoin de rien, dis-je en me réfugiant au coin du feu. » Cette retraite ne me sauva pas des quolibets ; car un gros Monsieur, à la voix rauque, qui pendant tout le chemin s’était bourré de sandwiches en donnant de fréquentes accolades à une bouteille, prétendit que j’étais un boa constrictor qui, en un repas, dévorait assez pour toute sa journée. Cela dit, fidèle à son système de ne pas voyager sans provisions, il remplaça ses sandwiches par une énorme tranche de bœuf qu’il se découpa lui-même.

Nous étions partis de Yarmouth à trois